Septième jour
0 h 12

— Jack !

Julia s’est précipitée vers moi dans le couloir. À la lumière crue du plafonnier, son visage émacié avait des traits d’une étonnante délicatesse. Elle était décidément plus belle que dans mon souvenir, plus belle que jamais.

Julia avait la cheville bandée et un poignet plâtré. Elle a jeté les bras autour de mon cou et enfoui la tête dans mon épaule ; ses cheveux sentaient la lavande.

— Dieu soit loué ! Tu es sain et sauf, Jack !

— Oui, fis-je d’une voix rauque. Tout va bien.

— Je suis si heureuse... si heureuse.

Je suis resté immobile tandis qu’elle me serrait de toutes ses forces. Puis j’ai refermé les bras sur elle. Je ne savais comment réagir : elle était vibrante d’énergie alors que je me sentais épuisé, vidé.

— Tout va bien, Jack ? reprit-elle sans me lâcher.

— Oui, Julia, murmurai-je d’une voix à peine audible. Tout va bien.

— Tu as une drôle de voix, fit-elle en s’écartant pour me dévisager. Que t’est-il arrivé ?

— Ses cordes vocales ont dû être brûlées, glissa Mae.

Elle aussi avait une voix rauque et son visage était noir de suie. Une balafre lui entaillait la joue, une autre le front.

Julia m’a repris dans ses bras et a laissé courir ses doigts sur ma chemise.

— Tu es blessé, mon chéri...

— C’est ma chemise...

— Tu es sûr de ne pas être blessé, Jack ? Je crois que tu es blessé...

— Non, ça va, protestai-je en me dégageant de son étreinte.

— Tu ne peux pas savoir, poursuivit-elle, comme je te suis reconnaissante de ce que tu as fait cette nuit, Jack. De ce que vous avez fait tous les trois, rectifia-t-elle en se tournant vers les autres. Toi, Mae, et toi, Bobby. Je regrette de ne pas avoir été là pour vous aider ; je sais que tout cela est arrivé par ma faute. Nous vous sommes très reconnaissants. L’entreprise aussi vous est reconnaissante.

Je me suis demandé ce que l’entreprise venait faire là-dedans.

— Il fallait que quelqu’un s’en charge.

— Oui. Et vous l’avez fait avec rapidité et décision. Bravo encore, Jack.

Ricky se tenait en retrait ; sa tête montait et descendait comme celle d’un oiseau mécanique qui boit de l’eau dans un verre. En voyant ce mouvement répété de la tête, j’ai eu un sentiment d’irréalité, comme si j’étais sur une scène.

— Je crois que nous devrions boire un verre pour fêter cette victoire, déclara Julia pendant que nous marchions dans le couloir. Il doit y avoir du champagne quelque part. Il y en a, Ricky ? Oui ? Il faut arroser ça !

— Tout ce que je veux, c’est dormir.

— Allons, Jack ! Juste un verre !

C’était Julia tout craché. Elle vivait dans son monde, sans s’occuper de l’état d’esprit de son entourage. Aucun de nous n’avait la moindre envie de boire du champagne.

— Merci quand même, fit Mae en déclinant l’invitation d’un signe de tête.

— Tu en es sûre ? Vraiment ? Ce serait sympa... Et toi, Bobby ?

— Demain, si tu veux.

— Tant pis ! Vous êtes les héros, à vous de choisir. Nous ferons donc cela demain.

Frappé par la rapidité de son débit et la vivacité de ses mouvements, j’ai pensé à la perplexité d’Ellen qui m’avait demandé si Julia se droguait. Elle donnait véritablement l’impression d’être chargée. Mais je me sentais si fatigué que c’était le dernier de mes soucis.

— J’ai annoncé la nouvelle à Larry Handler, le grand patron, reprit Julia. Il vous est très reconnaissant de ce que vous avez fait.

— Très aimable à lui, fis-je. Va-t-il en informer le Pentagone ?

— Informer le Pentagone ? De quoi ?

— De l’expérience « essaim en liberté ».

— L’affaire est réglée, Jack. Grâce à vous.

— Je n’en suis pas certain. Il est possible que quelques essaims aient réussi à s’échapper. Il peut aussi y avoir un autre nid. Pour éviter toute mauvaise surprise, je pense qu’il faudrait faire appel à l’armée.

Je ne croyais rien de tout cela mais je voulais faire venir des gens de l’extérieur. La fatigue était trop forte ; je voulais que quelqu’un d’autre prenne le relais.

— L’armée ? répéta Julia en lançant un coup d’œil fugitif en direction de Ricky. Tu as entièrement raison, Jack, poursuivit-elle d’une voix ferme. C’est une situation d’une extrême gravité. S’il existe la moindre possibilité qu’il reste quelque chose, nous devons prévenir l’armée sans tarder.

— Tout de suite.

— Je suis d’accord avec toi, Jack, tout de suite. J’y vais de ce pas.

J’ai tourné la tête vers Ricky. Il allait et venait en continuant d’agiter la tête d’une manière mécanique. Je ne comprenais pas. Qu’en était-il de l’affolement de Ricky, de sa crainte que l’expérience ne soit rendue publique ? Il semblait ne plus s’en soucier.

— Allez donc vous reposer, reprit Julia. Je vais essayer de joindre mes contacts au Pentagone.

— Je t’accompagne.

— Ce n’est pas nécessaire, Jack.

— J’y tiens.

— Tu ne me fais pas confiance ? lança-t-elle avec un petit sourire.

— La question n’est pas là. Je serai peut-être en mesure d’apporter des réponses à certaines questions.

— Très bien. Bonne idée. Excellente idée.

J’avais le sentiment que quelque chose clochait. Comme si je participais à une pièce de théâtre où chacun interprétait un rôle. Mais j’ignorais quelle pièce c’était. J’ai lancé un coup d’œil en direction de Mae : elle paraissait perplexe. Elle devait avoir la même impression que moi.

Nous avons franchi les sas pour atteindre le module résidentiel. Il y faisait un peu trop froid à mon goût et je n’ai pu retenir un long frisson. En entrant dans la cuisine, Julia s’est dirigée vers le téléphone.

— Nous allons donner ce coup de fil, Jack.

J’ai ouvert le réfrigérateur pour prendre une boisson gazeuse au gingembre. Mae a choisi un thé glacé, Bobby une bière. Nous mourions de soif. Il y avait une bouteille de champagne dans le réfrigérateur. Je l’ai touchée : elle était froide. J’ai vu six verres à côté. Julia avait tout préparé.

Elle a enfoncé la touche du haut-parleur ; nous avons entendu la tonalité. Elle a composé un numéro, mais l’appel n’a pas abouti. La communication a été coupée.

— Je vais recommencer, fit-elle.

L’appel a de nouveau échoué.

— C’est bizarre, Ricky. Je n’arrive pas à avoir une ligne extérieure.

— Essaie encore une fois.

Je les observais en sirotant ma boisson gazeuse. Il ne faisait aucun doute que tout cela était une mise en scène à notre intention.

Julia a consciencieusement recommencé l’opération pour la troisième fois. J’aurais aimé savoir quel numéro elle composait et si elle connaissait celui du Pentagone par cœur.

— Toujours rien, fit-elle.

Ricky a saisi le combiné ; il a examiné le support avant de raccrocher.

— Ça devrait marcher, fit-il en prenant un air perplexe.

— Laisse-moi deviner, lançai-je. Il s’est passé quelque chose et on ne peut pas appeler à l’extérieur.

— Si, si, protesta Ricky.

— J’ai donné un coup de fil il y a quelques minutes, ajouta Julia. Juste avant votre retour.

— Je vais aller vérifier les lignes, reprit Ricky en s’écartant de la table.

— C’est ça ! ricanai-je. Va vérifier.

— Jack, fit Julia qui me regardait avec attention, je m’inquiète pour toi.

— Ah bon ?

— Tu es en colère.

— Je n’aime pas qu’on se foute de moi !

— Je te promets, fit-elle posément, en me regardant dans les yeux, que personne ne se fout de toi.

Mae a annoncé en se levant qu’elle allait prendre une douche ; Bobby est parti jouer à un jeu vidéo dans le salon, sa manière habituelle de se relaxer. J’ai entendu le bruit des rafales d’armes automatiques et les cris des méchants touchés à mort. Je me trouvais seul avec Julia dans la cuisine.

Elle s’est appuyée sur la table en se penchant vers moi.

— Je crois que je te dois une explication, Jack.

— Non, tu ne me dois rien.

— Une explication de ma conduite. Des décisions que j’ai prises ces derniers temps.

— Cela n’a pas d’importance.

— Pour moi, cela en a.

— Plus tard, Julia. Plus tard.

— Il faut que je t’explique maintenant. Je voulais sauver la boîte, Jack, c’est tout. La caméra était un échec et nous ne pouvions rien y faire. Le contrat allait nous filer sous le nez, la boîte allait couler. Jamais cela ne m’était arrivé, jamais une société où je travaillais n’avait fermé ; je ne voulais pas que Xymos soit la première. J’avais investi dans cette boîte, mais c’était aussi une question d’amour-propre. Je voulais sauver Xymos. Je sais que j’ai fait des erreurs de jugement : j’étais aux abois. J’assume l’entière responsabilité de ce qui s’est passé. Les autres voulaient tout arrêter, je les ai poussés à continuer. C’était... c’était une sorte de croisade. Tout cela n’a servi à rien, poursuivit-elle avec un haussement d’épaules résigné. La boîte va fermer dans quelques jours : la partie est perdue. Mais je ne veux pas te perdre aussi, ajouta-t-elle en se penchant un peu plus. Je ne veux pas perdre ma famille...

Elle a tendu la main au-dessus de la table pour la poser sur la mienne.

— Je veux me racheter, Jack, reprit-elle en baissant la voix. Je veux arranger les choses, pour nous permettre de repartir du bon pied. Toi aussi, j’espère.

— Je ne sais plus où j’en suis.

— Tu es fatigué.

— Oui. Mais je ne sais plus très bien.

— Pour nous, tu veux dire ?

— Cette conversation me prend la tête !

C’était vrai. Pourquoi se lançait-elle dans ces explications alors que j’étais épuisé, que je venais de sortir d’une épreuve qui aurait pu me coûter la vie et dont, en définitive, elle portait l’entière responsabilité. Et je ne supportais pas qu’elle qualifie d’« erreurs de jugement » ce qui, à l’évidence, était bien plus grave.

— Je veux que nous redevenions ce que nous étions, Jack.

Complètement penchée sur la table, elle a essayé de m’embrasser sur les lèvres. Je me suis écarté en détournant la tête. Elle m’a lancé un regard implorant.

— S’il te plaît, Jack...

— Ce n’est ni le lieu ni l’heure, Julia.

Un silence. Elle ne savait que dire.

— Tu manques aux enfants, reprit-elle.

— Certainement. Ils me manquent aussi.

— Moi, je ne leur manque pas..., affirma-t-elle en fondant en larmes. Ils ne m’aiment pas, moi, leur mère...

Elle m’a pris la main en sanglotant ; je me suis laissé faire. Je m’efforçais de faire le point. Je me sentais très fatigué, très mal à l’aise ; je voulais qu’elle cesse de pleurer.

— Julia...

L’interphone a grésillé ; la voix amplifiée de Ricky nous est parvenue.

— Nous avons un problème avec les télécoms. Vous devriez venir tout de suite.

 

La salle des télécoms consistait en un grand local situé dans un angle de la salle de maintenance. Il était fermé par une pesante porte blindée garnie dans sa partie supérieure d’un panneau de verre armé. Par cette vitre, on voyait les tableaux de distribution et des panneaux pour les télécommunications du labo. J’ai remarqué que de grandes longueurs de câbles avaient été arrachées. Mais j’ai surtout remarqué, affaissé dans un coin de la petite pièce, Charley Davenport. Il paraissait mort. Il avait la bouche grande ouverte et les yeux fixes, ouverts sur le vide. Sa peau était d’un gris rougeâtre ; un essaim noir tournoyait autour de sa tête.

— Je n’arrive pas à comprendre comment cela a pu arriver, affirma Ricky. Quand je suis allé dans sa chambre, il dormait à poings fermés...

— Quand y es-tu allé ?

— Il y a à peu près une demi-heure.

— Et l’essaim ? Comment est-il entré là-dedans ?

— Aucune idée, répondit Ricky. Il a dû l’apporter avec lui, de dehors.

— Comment aurait-il fait ? Il est passé par tous les sas.

— Je sais, mais...

— Mais quoi, Ricky ? Comment est-ce possible ?

— Peut-être... Je ne sais pas... Peut-être était-il dans sa gorge ou quelque part...

— Dans sa gorge ? Tu veux dire entre ses amygdales ? Un essaim peut tuer, tu n’as pas oublié ?

— Oui, je sais. Bien sûr que je sais... Je n’y comprends rien.

J’ai scruté son visage pour essayer de trouver une explication à son comportement. Il venait de découvrir qu’un nanoessaim tueur avait pénétré dans son labo et il ne semblait pas s’en inquiéter le moins du monde. Il prenait même la chose avec désinvolture.

Mae est arrivée en courant ; elle a saisi la situation du premier coup d’œil.

— Quelqu’un a visionné les enregistrements vidéo ?

— Impossible, répondit Ricky en montrant le local. Les commandes sont là, hors service.

— Vous ne savez pas comment il est entré là-dedans ?

— Non, mais, à l’évidence, il ne voulait pas qu’on puisse utiliser les lignes extérieures. Enfin, c’est l’impression que cela donne...

— Pourquoi Charley serait-il entré là-dedans ? insista Mae en se tournant vers moi.

J’ai secoué la tête en signe d’ignorance.

— Le local ferme hermétiquement, glissa Julia. Peut-être savait-il qu’il était infecté et voulait-il s’y enfermer ? La porte est fermée de l’intérieur.

— Ah bon ? Comment le sais-tu ?

— Euh... c’est une supposition... Ah ! reprit-elle en collant le nez à la vitre. On voit le reflet de la serrure dans une plaque chromée. Tu vois, là-bas ?

Je ne me suis pas donné la peine de vérifier, mais Mae l’a fait.

— C’est vrai, Julia, déclara-t-elle, tu as raison. Quel esprit d’observation ! Cela m’avait échappé.

Son admiration était forcée, mais Julia semblait ne pas s’en rendre compte.

Tout le monde jouait donc la comédie, maintenant. Je ne comprenais pas pourquoi, mais en observant la manière dont Mae se comportait avec Julia, j’ai constaté qu’elle agissait avec prudence. Comme si elle avait peur de ma femme, ou du moins de la heurter de front.

C’était curieux.

Et assez inquiétant.

 

— Y a-t-il un moyen d’ouvrir cette porte ? demandai-je à Ricky.

— Je crois : Vince doit avoir un passe. Mais on ne l’ouvre pas maintenant, Jack, pas tant que cet essaim est là.

— Alors, on ne peut pas appeler l’extérieur ? On est coincés ici ? Coupés du monde ?

— Pour la nuit, répondit Ricky. L’hélico arrivera demain matin, comme tous les jours... Charley a fait un sacré dégât avec les tableaux de distribution, ajouta-t-il en regardant par la vitre.

— Pour quelle raison aurait-il fait ça ?

— Charley était un peu dérangé, tu sais. Un personnage haut en couleur, certes, mais enfin, ces manies de péter et de fredonner... Il était presque bon à enfermer.

— Jamais cela ne m’est venu à l’esprit.

— C’est une opinion personnelle.

Je me suis placé aux côtés de Ricky pour regarder par le panneau de verre. L’essaim bourdonnait autour de la tête de Charley ; la couche de substance laiteuse commençait à apparaître sur son corps. Le processus habituel.

— Et si on injectait de l’azote liquide pour congeler l’essaim ?

— Ce serait possible, mais j’imagine qu’on endommagerait le matériel.

— Peux-tu augmenter assez la puissance de l’aspiration pour attirer les particules ?

— Elle est à pleine puissance.

— On ne pourrait pas utiliser un extincteur ?

— Ils contiennent du halon. Ça ne marcherait pas pour les particules.

— J’en conclus donc qu’il nous est impossible de pénétrer là-dedans.

— À mon avis, oui.

— Et les téléphones cellulaires ?

— L’alimentation des antennes passe par ce local. Tous les moyens de communication dont nous disposons – portables, Internet, transmission de données à grande vitesse – passent par là.

— Charley savait que le local fermait hermétiquement, glissa Julia. Je parie qu’il s’y est enfermé pour nous protéger. C’était un acte altruiste, une marque de courage.

Elle développait sa théorie sur Charley, l’étoffait, ajoutait des détails. C’était gênant dans la mesure où la question la plus importante restait sans réponse : comment ouvrir la porte et neutraliser l’essaim.

J’ai demandé s’il y avait une autre vitre donnant sur le local.

— Non, répondit Ricky.

— La vitre de cette porte est la seule ?

— Oui.

— Dans ce cas, nous pouvons aveugler la vitre et éteindre les lumières. Nous attendrons quelques heures, pour que l’essaim perde de l’énergie.

— Je ne sais pas, fit Ricky d’un ton dubitatif.

— Qu’est-ce que tu racontes, Ricky ? lança Julia. Je pense que c’est une merveilleuse idée ! Cela vaut le coup d’essayer ; faisons-le tout de suite.

Ricky s’est rangé à son avis sans discuter.

— D’accord, mais il faudra attendre six heures.

— Je croyais que trois suffisaient.

— Je ne veux prendre aucun risque en ouvrant cette porte. Si l’essaim s’échappe, nous sommes tous foutus.

C’est ce que nous avons décidé de faire. Nous avons fixé un tissu noir sur la vitre à l’aide d’un adhésif et placé un carton par-dessus. Puis nous avons éteint les lumières et appliqué un morceau d’adhésif sur le commutateur en position fermée. À la fin de l’opération, épuisé, j’ai regardé ma montre : il était 1 heure du matin.

— Il faut que j’aille me coucher.

— Un peu de sommeil ferait du bien à tout le monde, déclara Julia. Nous reviendrons voir demain matin.

Tout le monde a pris la direction du module résidentiel. Mae s’est discrètement portée à ma hauteur.

— Comment te sens-tu ? demanda-t-elle.

— Pas trop mal. Le dos commence à me faire souffrir.

— Tu devrais me laisser regarder.

— Pourquoi ?

— Laisse-moi donc regarder avant d’aller te coucher.

 

— Oh ! Jack ! s’écria Julia. Mon pauvre chéri !

— Qu’est-ce qu’il y a ?

J’étais assis, torse nu, sur la table de la cuisine ; Julia et Mae étaient penchées sur mon dos.

— Qu’est-ce qu’il y a ? répétai-je.

— Des cloques, répondit Mae.

— Des cloques ! répéta Julia. Tout ton dos est couvert de...

— Je pense que nous avons des compresses, coupa Mae en prenant la trousse à pharmacie sous l’évier.

— J’espère, fit Julia en me souriant. Tu ne peux pas savoir, Jack, comme je regrette que tu aies eu à subir tout cela.

— Ça va peut-être piquer un peu, annonça Mae.

Je savais qu’elle voulait me parler seul à seul mais l’occasion ne se présentait pas. Julia ne nous laisserait pas une minute en tête à tête. Depuis que j’avais engagé Mae dans mon équipe, elle en avait toujours été jalouse. Là, elle s’évertuait à l’empêcher de retenir mon attention.

Je ne me sentais pas flatté.

Les compresses m’ont apporté un peu de bien-être quand Mae les a appliquées, mais, très vite, cela a commencé à me piquer affreusement.

— Je ne sais pas quels antalgiques nous avons, fit Mae en me voyant grimacer. Tu as des brûlures du deuxième degré sur une bonne surface.

Julia s’est mise à fouiller fébrilement dans la trousse, jetant le contenu autour d’elle ; des tubes et des boîtes roulaient par terre.

— Il y a de la morphine, déclara-t-elle enfin en montrant un flacon. Cela devrait faire l’affaire, ajouta-t-elle en m’adressant un sourire radieux.

— Je ne veux pas de morphine.

Ce que je voulais, c’était qu’elle aille se coucher : elle m’insupportait. Sa fébrilité me portait sur les nerfs. Et je voulais parler à Mae.

— Il n’y a rien d’autre, reprit Julia. Sinon de l’aspirine.

— De l’aspirine, ça ira.

— Je crains que ce ne soit pas...

— De l’aspirine, ça ira !

— Tu n’es pas obligé de me rembarrer...

— Excuse-moi. Je ne me sens pas très bien.

— J’essaie de rendre service, poursuivit Julia en s’écartant. Et si vous voulez être seuls, vous n’avez qu’à le dire.

— Non, nous ne voulons pas être seuls.

— J’essaie de rendre service, c’est tout... Voyons s’il y a autre chose.

Elle a recommencé à fouiller dans la trousse, faisant tomber par terre des boîtes de sparadrap et des flacons d’antibiotiques.

— Arrête, Julia, je t’en prie !

— Qu’est-ce que j’ai fait ? Qu’est-ce que j’ai fait de mal ?

— Arrête, c’est tout.

— J’essaie de rendre service.

— Je sais.

— Bon, fit Mae dans mon dos, c’est terminé. Cela devrait te permettre de tenir jusqu’à demain. Et maintenant, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je vais me coucher.

Après l’avoir remerciée, je l’ai regardée partir. Quand je me suis retourné, Julia me tendait un verre d’eau et deux comprimés d’aspirine.

— Merci.

— Je n’ai jamais aimé cette fille.

— Allons nous coucher.

— Il n’y a que des lits à une place ici.

— Je sais.

— J’aimerais dormir avec toi, Jack, susurra-t-elle en se rapprochant.

— Je suis vraiment fatigué, Julia. Nous nous verrons demain matin.

J’ai regagné ma chambre et je me suis jeté sur le lit sans me donner la peine d’enlever mes vêtements.

Je ne me souviens même pas d’avoir posé la tête sur l’oreiller.

La proie
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